Deux  égyptiennes dans un supermarché au Caire, en Egypte/AFP / Photo: Reuters

Dans ce pays le plus peuplé du monde arabe, un nouveau programme de prêts de 8 milliards de dollars a été assorti de sérieuses mesures d'austérité, notamment un taux de change flexible, des réductions drastiques des subventions et une privatisation accélérée de l'économie.

Sur le terrain, cela s'est traduit par une érosion du pouvoir d'achat de la classe moyenne, transformant en produits de luxe ce qui était auparavant considéré comme une nécessité.

Nourhan Khaled, une employée de 27 ans, a renoncé aux "parfums et aux chocolats". "Tout mon salaire va dans les transports et la nourriture", dit-elle en scrutant les articles d'un supermarché de l'ouest du Caire, choisissant le nécessaire et laissant le superflu.

Pour certains, cela s'est traduit par une réduction de la consommation des produits de base comme le lait. "Nous n'achetons plus de sucreries et nous avons réduit notre consommation de lait", confie à l'AFP Zeinab Gamal, une élégante femme au foyer de 28 ans.

Les familles naguère considérées comme moyennement aisées sont aujourd'hui confrontées à des hausses de prix vertigineuses, les forçant à adapter leur mode de vie.

Une pression croissante

Pendant des décennies, la classe moyenne se sentait relativement en sécurité: elle pouvait trouver un logement décent et offrir une éducation acceptable aux enfants.

"Le mode de vie dans lequel j'ai grandi a complètement changé", explique Manar, une mère de deux enfants de 38 ans, qui préfère ne pas dévoiler son nom de famille.

Elle a ainsi accepté un emploi d'enseignante à temps partiel pour augmenter le revenu de sa famille à 15.000 livres égyptiennes (304 dollars), afin de pouvoir "offrir notamment des activités sportives à ses enfants".

L'inflation a atteint 26,5% en octobre et la monnaie a perdu plus des deux tiers de sa valeur par rapport au dollar depuis début 2022.

En octobre, le gouvernement a relevé les prix du carburant de 17,5%, soit la troisième hausse cette année.

La dette extérieure a quadruplé depuis 2015 pour atteindre 160,6 milliards de dollars au premier trimestre 2024. Elle a été utilisée pour financer une nouvelle capitale dans la banlieue du Caire et d'autres projets d'infrastructures.

La guerre à Gaza, qui a débuté il y a un peu plus d'un an, a également aggravé la situation car le canal de Suez, vital pour l'économie, a perdu plus de 70% de ses revenus cette année, selon l'autorité du canal, en raison des attaques des Houtis du Yémen en mer Rouge.

Dans un contexte de frustration croissante de la population, le président Abdel Fattah al-Sisi a déclaré en octobre: "si cela nous oblige à exercer une pression insupportable sur la population, alors il faudra reconsidérer le programme du FMI".

Le Premier ministre Moustafa Madbouly a également écarté toute nouvelle pression financière pour les Egyptiens "dans l'immédiat".

"Amère mais cruciale"

Les réformes sont déjà lourdes de conséquences, estiment des économistes.

Pour Wael Gamal, directeur de l'unité de justice sociale à l'Initiative égyptienne pour les droits de la personne, elles ont conduit à "une érosion significative des conditions de vie" avec la forte hausse du prix des médicaments, des services et des transports.

Selon lui, le nouveau prêt du FMI aura un effet "plus dur" pour la population que celui de 2016 quand l'Egypte avait déjà emprunté auprès du FMI 12 milliards de dollars.

"Il y a deux ans, nous n'avions aucun mal à acheter des produits de première nécessité, maintenant, je réfléchis à deux fois", assure Manar.

La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a admis ce mois-ci la difficulté de la situation, mais assuré que les Egyptiens ressentiraient "les avantages de ces réformes avec une économie égyptienne plus dynamique et plus prospère".

L'économiste Wael El Nahas a décrit le prêt comme une "pilule amère à avaler mais cruciale" pour le pays.

Pourtant, de nombreux Egyptiens sont sceptiques, à l'image de Manar, qui constate que "les prix poursuivent leur ascension".

Pour s'en sortir et se procurer par exemple du café, elle compte désormais sur son frère à l'étranger. Les transferts des expatriés se sont élevés en 2023/24 à 23 milliards de dollars.

"Ma crainte aujourd'hui, c'est de savoir comment nous ferons s'il y a d'autres hausses à l'avenir", dit-elle.

AFP