Installation de production de pétrole (illustration )  / Photo: AP

Galiche Buwa a vécu guerres civiles, famines et catastrophes naturelles, mais cette Sud-Soudanaise, veuve et mère de quatre enfants, avait jusqu'à présent toujours réussi à s'en sortir grâce à sa petite épicerie.

Mais aujourd'hui, la situation est de plus en plus difficile.

Cet oléoduc est crucial pour le transport du pétrole brut du Soudan du Sud vers l'étranger, le pétrole représentant environ 90% des exportations de ce pays enclavé.

Conséquences, l'inflation s'est envolée, et la monnaie locale, la livre soudanaise, s'est effondrée face au dollar, passant, au taux officiel, de 1.100 en février, à 1.550 en juillet.

"Depuis les années 1970 jusqu'à aujourd'hui, je suis toujours là, mais ces jours-ci, nous souffrons, les choses sont difficiles", déclare Galiche Buwa, 75 ans, debout devant son stand au marché Konyo-Konyo, à Juba, la capitale sud-soudanaise. "Nous ne sommes pas en mesure d'acheter des stocks, les choses sont chères (...) et les prix ne cessent d'augmenter chaque jour".

La situation l'oblige à s'approvisionner à crédit, et à répercuter les prix sur les consommateurs. Un épi de maïs, vendu 800 livres en mars, en coûte aujourd'hui 2.000.

Teddy Aweye, 28 ans, se déplace dans les allées du marché. Mais à cause de la valse des prix, la mère de deux enfants a dû "rentrer sans rien acheter". "Aujourd'hui, vous allez au marché, vous obtenez un prix, et demain vous y retournez et vous obtenez un prix différent", soupire-t-elle. "La vie est vraiment très difficile".

Joindre les deux bouts

Dans sa boucherie, Abdulwahab Okwaki, 61 ans, constate que les clients achètent moins. "Un client qui (achetait) un kilo prend maintenant un demi-kilo, et celui qui prenait un demi-kilo en prend maintenant un quart (...) et celui qui prenait un quart ne vient plus", constate le père de huit enfants.

Beaucoup de ses collègues bouchers ont démissionné, incapables de joindre les deux bouts.

Ce marasme touche aussi les entreprises haut de gamme. Harriet Gune, entrepreneure de 27 ans, tient une boutique de mode.

"Plus vous augmentez les prix des articles en magasin, plus vous faites fuir les clients", explique-t-elle.

Une paire de jeans à 25.000 livres en mars se vend désormais 35.000, précise-t-elle, ajoutant qu'elle devait augmenter les prix "pour pouvoir obtenir suffisamment d'argent et commander de nouveaux stocks".

"Notre pays souffre"

Même les responsables gouvernementaux en ressentent les effets.

En mai, le ministre des Finances Awow Daniel Chuang a déclaré au Parlement que le gouvernement aurait du mal à payer les salaires des militaires, de la police, des fonctionnaires et d'autres responsables en raison d'un déficit de revenus. Selon le ministre, le pays perdait environ 70% de ses revenus pétroliers en raison de la rupture de l'oléoduc.

Le Soudan du Sud, pays d'environ 15 millions d'habitants dont la majorité vit sous le seuil de pauvreté, était déjà en crise avant la rupture de l'oléoduc.

La manne pétrolière est très largement détournée à des fins politiques et d'enrichissement dans ce pays classé parmi les plus touchés par la corruption par l'ONG Transparency International (177e sur 180).

Le pays est très vulnérable aux chocs monétaires, car il importe presque tout, y compris les produits agricoles.

Les combats au Soudan entre l'armée et les forces paramilitaires de soutien rapide depuis avril 2023 n'ont fait qu'exacerber la situation, selon les analystes.

Le conflit a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, et déplacé des millions d'autres, dont plus de 700.000 ont trouvé refuge au Soudan du Sud.

Selon l'économiste et conseiller gouvernemental Abraham Maliet Mamer, le Soudan du Sud, indépendant du Soudan depuis 2011, devrait mieux anticiper les crises. "Notre pays souffre. Nous avons moins d'argent, moins de services et notre sécurité est un problème". Il exhorte le gouvernement à construire des raffineries et des pipelines à travers d'autres pays.

"Le Soudan ne sera plus jamais le même. Jusqu'à ce que nous développions des alternatives (...) nous aurons des problèmes", a-t-il prévenu.

AFP