Cela fait dix ans que Khadidjatou Taher vit à Tarhil, un quartier en périphérie de la capitale mauritanienne Nouakchott, et elle attend toujours d'avoir un robinet chez elle.
Dans cette nouvelle cité aux airs de bidonville posée sur des dunes de sable blond, trouver de l'eau est un casse-tête quotidien.
"L'eau manque terriblement à Tarhil", déplore Khadidjatou Taher, 42 ans, vêtue d'une large étoffe traditionnelle dite meulfeu.
Les autorités ont fait installer quelques réservoirs dans les rues, et mis en place un système de substitution avec des camions citernes, mais "ils ne viennent pas tous les jours et les quantités distribuées sont insuffisantes pour nos familles et nos bêtes".
Créé il y a une quinzaine d'années par les autorités pour lutter contre les constructions anarchiques dans la capitale, Tarhil fait partie des nombreuses localités de Mauritanie qui ont des problèmes d'accès à l'eau.
Poussé par une urbanisation galopante, le nombre de familles, nanties ou non d'une autorisation, ne cesse d'augmenter. Si certains foyers ont accès à l'eau courante, d'autres n'en reçoivent que rarement ou ne sont pas branchés au réseau de distribution.
L'accès à l'eau potable est un défi de plus en plus pressant pour la Mauritanie, située dans le désert du Sahara et où les températures montent régulièrement jusqu'à 45 degrés. Selon l'Unicef, plus de 22% des habitants sont privée d'eau potable, soit l'un des plus faibles taux de disponibilité au monde.
Déjà aiguë, la situation à Tarhil s'est dégradée depuis août lorsque Nouakchott a été touchée par des pénuries à cause de défaillances dans le réseau de conduites et des dépôts de boue liés à la saison des pluies.
La capitale mauritanienne dépend de sources d'eau situées principalement au niveau du fleuve Sénégal, à près de 200 kilomètres au sud. Les distances nécessiteraient une infrastructure performante, mais le système manque d'entretien.
"Les fuites ne sont pas détectées, il y a une déperdition de près de 40% de l'eau", observe Mohamed Touarad, directeur de l'ONG Tenmiya, active dans le secteur de l'eau. Le réseau est sous- ou mal dimensionné et l'entreprise publique qui gère la distribution est largement déficitaire car beaucoup d'habitants ne paient pas leurs factures, note-t-il.
Khadidjatou Taher dit faire appel tous les jours à des charretiers pour se faire acheminer quelques bidons qu'elle range précieusement dans un hangar, à l'abri du soleil.
Tuyaux secs"Même 100 bidons ne suffisent pas pour alimenter nos familles et nos animaux en période de grande chaleur", se désole-t-elle.
Avec des charrettes tirées par des ânes et chargées de bidons, des vendeurs circulent dans les rues à la recherche d'eau ou de clients. D'autres transportent le précieux liquide dans des réservoirs posés sur des pick-ups.
"L'eau est très difficile à trouver ici, nous avons soif et nous aimerions avoir une distribution globale. Les citernes qui viennent nous fournir sont souvent en retard", se plaint El Id Ahmed, 45 ans, qui vit dans le quartier depuis 12 ans.
L'eau était pourtant censée couler à flot à Tarhil. Les autorités ont lancé depuis plusieurs années des travaux pour assurer son acheminement.
Mais les "tuyaux sont encore secs", regrette El Id Ahmed. Certains, enveloppés de poussière, reposent au bord d'une petite route.
L'extension du champ captant d'Idini, puisant dans la nappe à une soixantaine de kilomètres à l'est de Nouakchott, et la construction d'une usine de dessalement dans la capitale figuraient parmi les priorités du président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, réélu en juillet, pour résoudre la crise.
Mais l'extension d'Idini est au point mort.
Le gouvernement a récemment de nouveau promis un "vaste programme d'urgence" pour améliorer le niveau de vie à Nouakchott.
Il comprend un "volet eau qui permettra l'extension des réseaux d'adduction d'eau à tous les quartiers cibles", dont fait partie Tarhil.