Le prix Nobel de la Paix Muhammad Yunus est attendu ce jeudi au Bangladesh, pour prendre la tête d'un gouvernement intérimaire. Il devrait prêter serment dans la foulée avec pour mission de mener "un processus démocratique" vers des élections rapides.
Ce gouvernement dirigé par l'économiste de 84 ans est mis sur pied après des violences qui ont fait plus de 400 morts et la fuite de la Première ministre déchue Sheikh Hasina.
Le prix Nobel, qui a lancé "un vibrant appel au calme" à ses compatriotes, est parti mercredi de Paris, faisant escale à Dubaï.
"Je vous demande de vous abstenir de toute forme de violence" et "soyez prêts à construire le pays", a-t-il déclaré dans un communiqué peu avant son voyage.
Il a promis mercredi, dans le magazine britannique The Economist, qu'il ferait tout pour que des "élections libres et équitables soient organisées dans les prochains mois" mais qu'il fallait que les jeunes "ne soient pas obsédés par les règlements de comptes, comme l'ont été trop de nos gouvernements précédents".
Tarique Rahman, président par intérim du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), principal mouvement d'opposition à Sheikh Hasina, a aussi appelé mercredi à l'organisation d'un scrutin "le plus vite possible", dans un discours vidéo adressé de son exil londonien à une immense foule dans la capitale Dacca.
Le retour de Muhammad Yunus a été facilité par son acquittement mercredi dans un procès en appel pour infraction au droit du travail. Sa condamnation à six mois de prison en première instance en janvier, la seule prononcée contre lui sur plus de 100 procédures pénales le visant, était considérée comme politique par ses défenseurs. Il avait alors quitté le pays.
La décision de "former un gouvernement intérimaire (...) avec Yunus comme chef" a été prise à l'occasion d'une rencontre entre le président Mohammed Shahabuddin, de hauts dignitaires de l'armée et des responsables du collectif Étudiants contre la discrimination, le principal mouvement à l'origine des manifestations déclenchées début juillet, a annoncé mercredi la présidence bangladaise.
Le président Shahabuddin a dissous mardi le Parlement, comme le réclamaient les étudiants protestataires et le BNP, un jour après avoir ordonné la libération des personnes arrêtées pendant les manifestations et des prisonniers politiques.
Autre signe d'apaisement, le nouveau chef de la police Mainul Islam a promis mercredi une enquête "impartiale" sur les manifestations meurtrières et présenté ses excuses pour la conduite de ses prédécesseurs, limogés par le président.
Il a demandé aux policiers, en grève depuis mardi pour protester contre les attaques les visant, de reprendre le travail jeudi.
L'armée a, elle aussi, procédé à plusieurs remaniements parmi ses hauts gradés, notamment en rétrogradant certains d'entre eux jugés proches de Mme Hasina.
Au moins 432 personnes ont été tuées durant le mouvement de contestation, dont au moins 122 lundi, la journée la plus meurtrière, selon un décompte de l'Agence France-Presse reposant sur des sources policières, gouvernementales et médicales.
Les manifestations au Bangladesh avaient commencé début juillet après la réintroduction d'un régime réservant près d'un tiers des emplois dans la fonction publique aux descendants d'anciens combattants de la guerre d'indépendance. Le gouvernement Hasina avait été accusé par les organisations de défense des droits humains de mettre à son service les institutions pour asseoir son emprise et éradiquer toute dissidence.
Revenue au pouvoir en 2009, Sheikh Hasina, 76 ans, avait remporté en janvier un cinquième mandat. Elle a fini par être désavouée par l'armée et s'est enfuie lundi en hélicoptère vers l'Inde.