Yusef Salaam, jusqu'ici connu comme étant membre des "Central Park Five", le groupe des 5 adolescents qui avaient été condamnés pour viol à tort en 1989, a été élu conseiller municipale à la mairie de New York.
Yusef Salaam, qui défendait alors les couleurs du parti démocrate, représentera un district du centre d'Harlem au sein du conseil municipal, après s'être présenté sans opposition à l'une des nombreuses élections locales qui se sont tenues mardi dans l'État de New York. Le nouveau conseiller municipal avait, quelques semaines plus tôt, remporté haut la main les élections primaires dans son parti.
Cette victoire intervient plus de vingt ans après que des preuves ADN ont permis d'annuler les condamnations de Salaam et de quatre autres hommes noirs et latinos pour le viol et le passage à tabac d'une joggeuse blanche à Central Park, en 1989. Salaam avait été arrêté à l'âge de 15 ans et emprisonné pendant près de sept ans.
"Pour moi, cela signifie que nous pouvons vraiment réaliser les rêves les plus fous de nos ancêtres", a déclaré Yusef Salaam lors d'une interview avant l'élection.Cette victoire a été fêtée par un grand nombre dans son quartier de Harlem.
Signe de l'empreinte que "l'affaire de Central Park" a laissée sur leur vie, l'élection a été proclamée avec émotion par l'une des quatre autres victimes de ce scandale judiciaire, Raymond Santana, dans un bar bondé aux murs décorés de portraits de Barack Obam a et du jazzman Thelonious Monk.
"Je ne peux m'empêcher de penser au cauchemar auquel Yusef et moi avons été confrontés lorsque nous étions adolescents, à la façon dont ils nous ont dépouillés de notre humanité et convaincu le monde que nous ne valions pas la peine d'être sauvés.", a lancé Raymond Santana.
Yusef Salaam, désormais proche de la cinquantaine, a, lui aussi, rappelé qu'il avait été "un adolescent assis dans une cellule, oublié de tous".
"Ce soir, c'est moi qui ai l'opportunité de nous libérer de l'oubli et des discriminations", a-t-il assuré, devant son épouse, ses enfants et sa mère à ses côtés.
"Ce soir, nous tournons la page et commençons notre nouvelle renaissance d'Harlem", a aussi lancé celui qui a fait campagne sur la lutte contre la pauvreté et l'accès au logement, dans ce quartier majoritairement afro-américain et hispanique.
L'affaire de Central Park, au centre de la série "When they see us" d'Ava DuVernay sur Netflix en 2019, est restée une affaire emblématique du racisme dans la société américaine.
L'''Histoire''
Yusef Salaam avait quinze ans quand il avait été arrêté avec trois autres adolescents noirs et un hispanique, après une nuit de troubles à Central Park, le 19 avril 1989, marquée par la violente agression et le viol d'une jeune joggeuse blanche, laissée pour morte dans les bois du célèbre parc de Manhattan.
Longuement interrogés séparément en garde à vue, sans avocats, les cinq garçons, âgés de 14 à 16 ans, avaient été inculpés sur la seule foi d'aveux dans lesquels ils s'accusaient les uns les autres. Ils s'étaient ensuite rétractés, assurant avoir été piégés et contraints par la police de New York, ce qui n'avait pas empêché leur condamnation.
La violence du drame avait choqué l'opinion américaine et Donald Trump, alors magnat de l'immobilier, s'était offert plusieurs pages de publicité dans les journaux pour réclamer le retour de la peine de mort.
Yusef Salaam a effectué près de sept ans en détention. Après sa libération, les aveux d'un autre homme, dont l'ADN avait été retrouvé sur la victime, avaient relancé l'affaire et "les cinq de Central Park", dont les prénoms étaient imprimés sur certains tee-shirts mardi soir, ont été innocentés.
Depuis, Yusef Salaam a milité pour des réformes du système judiciaire, mais c'est la première fois qu'il obtient un mandat politique.