Des chefs aborigènes ont appelé à "une semaine de silence" pour faire le deuil de l'échec du référendum qui pouvait leur accorder plus de droits et de reconnaissance dans le pays.
Le Premier ministre Antony Albanese a quant à lui appelé la nation divisée à s'apaiser "dans un esprit d'unité".
Avec plus de 70% des bulletins dépouillés ce dimanche, il ressort qu'environ 61% des Australiens ont voté "non" à la question de savoir si la Constitution de 1901 devait être modifiée pour reconnaître les premiers habitants du pays.
Les participants au referendum ont aussi rejeté la création d'un conseil consultatif, surnommé "La Voix", auprès du Parlement et du gouvernement, pour émettre des avis sur les lois et les politiques publiques qui affectent les populations autochtones.
Selon un groupe d'associations de défense des Aborigènes locale, des millions d'électeurs australiens ont manqué l'opportunité de réparer la "dépossession brutale" de leur peuple.
"Maintenant le temps est venu du silence, de faire le deuil et de réfléchir profondément aux conséquences de ce résultat".
"La vérité est que nous avons proposé cette reconnaissance et qu'elle a été refusée. Nous savons maintenant où nous en sommes dans notre propre pays", ajoute le texte, avant d'appeler à une "semaine de silence" pour pleurer et réfléchir.
L'électrice aborigène Shirley Lomas a souligné que "les autochtones sont ici depuis 60.000 ans et (...) continuerons d'être là".
"Les électeurs ont voté, non, parce qu'ils craignent le changement.
La plupart d'entre eux ne connaissent même pas un autochtone", a-t-elle déclaré à l'Agence France Presse après le résultat.
Les Aborigènes ont dû se battre et attendre longtemps pour obtenir le droit de vote, 1962 au niveau fédéral, le droit de posséder leurs terres traditionnelles, et de pouvoir être élu au parlement.
Les partisans du "oui" considéraient le référendum comme un moyen d'unir le pays et de panser les plaies des injustices historiques infligées aux peuples autochtones lors de la colonisation du pays.
Au lieu de cela, la campagne électorale a mis en lumière les profondes divisions qui traversent encore la société australienne plus de deux siècles après la colonisation britannique.
Antony Albanese a promis que son gouvernement continuerait à travailler pour assurer la reconnaissance des peuples autochtones, même si les options à disposition restent floues.
La militante aborigène et universitaire Marcia Langton a constaté que des décennies d'efforts pour instaurer la confiance entre les Australiens avaient échoué. "La réconciliation est morte", a-t-elle déclaré sur une chaîne de télévision autochtone.
À Redfern, une banlieue de Sydney où les Aborigènes sont nombreux, une dizaine de personnes a participé à une cérémonie traditionnelle de purification et de guérison en brûlant des feuilles d'eucalyptus, après cette déconvenue.
L'un d'entre eux, Shane Sturgiss, assis sur des marches, dit que le rejet du référendum lui a "brisé le cœur".
Les membres de notre communauté "se sont enlacés, ont beaucoup pleuré". Et "je vais me mettre à pleurer maintenant", dit-il les larmes aux yeux.
Mais "être en colère à présent serait un gâchis de ces émotions", ajoute-t-il en estimant que les Aborigènes doivent continuer à se battre pour leurs droits.
La campagne de l'opposition avait habilement canalisé les craintes sur le rôle et l'efficacité de "La Voix", et ciblé les indécis en les encourageant à voter "non".
Les réseaux sociaux ont été inondés par la désinformation suggérant que "La Voix" risquait d'aboutir à des confiscations de terres, créerait un système d'apartheid, ou qu'elle faisait partie d'un complot des Nations unies.
Le chef de l'opposition conservatrice Peter Dutton, farouchement opposé au référendum, s'est déclaré soulagé samedi soir.
"Il est évident que le référendum n'a pas été un succès et je pense que c'est une bonne chose pour notre pays".
Les Aborigènes d'Australie, dont les ancêtres se sont installés sur l'île-continent il y a environ 60.000 ans, sont aujourd'hui reconnus comme l'une des plus anciennes cultures au monde.
Mais 235 ans après l'arrivée des premiers colons britanniques, ils ont une espérance de vie inférieure de huit ans à celle des autres Australiens, sont en moyenne plus pauvre, plus souvent incarcérés et ont un accès moindre à l'éducation.