Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a déclaré que les groupes armés en Syrie devraient être fusionnés en une seule armée et qu'un seul organisme étatique légitime devrait avoir le pouvoir de porter les armes et d'utiliser la force.
Dans une interview publiée lundi au journal saoudien Asharq News, Fidan a indiqué qu'il existe des groupes proches de la Turquie comptant plus de 80 000 éléments armés, ajoutant qu’Ankara leur a demandé, sans hésitation, de rejoindre l'armée nationale.
Soulignant l’importance que ces groupes se rassemblent sous le commandement de l'armée nationale dans la nouvelle ère, Fidan a indiqué qu’à cette fin la Turquie utilise son influence constructive au plus haut niveau.
"J'espère que la même chose se produira avec les groupes du sud, à Suwayda et Daraa", a-t-il ajouté.
Selon Fidan, des situations similaires à celles de la Syrie ont été causées par l’intervention excessive de puissances étrangères dans la région, certains États agissant uniquement pour protéger les intérêts d’autres nations plutôt que les leurs.
Le ministre turc des Affaires étrangères a noté que dans la nouvelle ère, ils essaient de mettre en place une politique qui donne la priorité à plus de stabilité, tout en tirant des leçons et en s'associant avec des pays de la région tels que l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis (EAU), le Qatar, l'Égypte, la Jordanie et l’Irak.
“Sinon, quand on regarde la période précédente, il y a la guerre, la division, l’instabilité et des millions de personnes déplacées. Cela ne devrait pas être le sort des régions dans lesquelles nous vivons. Le sort de la région où vivent les musulmans, les Arabes, les Turcs et les Perses doit changer. Je crois que ce changement a, je l'espère, commencé dans toute la région", a lancé le chef de la diplomatie turque.
Fidan a noté que la nouvelle administration syrienne aspire à une coordination non seulement avec la Turquie mais avec tous les pays.
“Ankara se concentre sur ce qui peut être fait avec la Ligue arabe, les pays du Golfe, l'Organisation de la coopération islamique (OCI), l'UE, les États-Unis et d'autres organisations régionales et mondiales pour la reconstruction de la Syrie, a-t-il affirmé.
Notant que les États-Unis ont levé certaines des sanctions contre la Syrie et exprimant l'espoir que l'UE lèvera certaines d'entre elles dans les prochains jours, Fidan a déclaré que la Turquie a établi un mécanisme de coordination sur la manière de démarrer immédiatement l'aide dans des domaines tels que les transports, l’énergie et la santé.
Il est “d'une importance vitale” pour la Turquie de voir que la Syrie est stable et connaît un développement économique bien organisé, a-t-il énoncé.
"Nous espérons que les efforts de la Turquie et ceux que nous avons déployés avec nos partenaires internationaux porteront leurs fruits", a ajouté Fidan.
‘Il ne devrait jamais y avoir de place pour le terrorisme en Syrie’
Concernant les attentes de la nouvelle administration en Syrie, Fidan a indiqué qu'aucune menace ne devrait être posée à la Turquie depuis le territoire syrien.
"Il ne devrait jamais y avoir de place pour le terrorisme, en particulier celui de la part des groupes terroristes de Daesh et du PKK”, a-t-il insisté.
"Les minorités du pays doivent être bien traitées, un gouvernement inclusif doit être établi et l'intégrité territoriale et la souveraineté politique du pays doivent être pleinement garanties”, a souligné Fidan.
Et d’ajouter : "Nous, la communauté internationale et les pays de la région, nous sommes mis d'accord sur ces conditions et nous avons transmis ces exigences au gouvernement syrien”.
Fidan a poursuivi qu'aucun pays, y compris la Turquie, n'a formulé d'exigences spécifiques à l'égard de la nouvelle administration, ajoutant qu'ils attendent une administration et un comportement qui garantiront le bien-être du peuple syrien et contribueront à la stabilité et à la sécurité des pays de la région.
L'Arabie Saoudite et la Turquie
Selon le chef de la diplomatie turque, la coordination entre l'Arabie saoudite et la Turquie dans le contexte syrien a atteint le plus haut niveau grâce aux réunions tenues à Aqaba, au Caire et à Riyad.
"L'Arabie saoudite et la Turquie n'ont aucune divergence, aucune divergence d'opinion sur ce que l'on attend de la nouvelle administration en Syrie, sur les problèmes et sur ce qui doit être fait", a affirmé Fidan.
Notant que la Turquie continuera à travailler avec l'Arabie saoudite, le ministre des Affaires étrangères a fait savoir qu'il existe des relations étroites entre Riyad et Ankara, ajoutant qu'il est impératif de faire progresser les relations entre les deux pays.
Il a précisé que pendant la crise de Gaza, les deux pays avaient établi une coordination et une coopération extraordinaires au sein et à l'extérieur du Groupe de contact avec Gaza.
Fidan a également confié qu'ils continueraient à travailler en étroite collaboration avec l'administration Trump au plus haut niveau au cours de la nouvelle ère.
Rappelant les divergences d'opinions entre Washington et Ankara, Fidan a déclaré : “il existe une ligne d'action que les États matures devraient suivre. Autrement dit, il est nécessaire de mettre de côté les questions problématiques et de s’occuper du reste”.
Les relations entre les États-Unis et les YPG, une “menace pour la sécurité nationale de la Turquie”
Le plus haut diplomate turc a souligné que les relations entre les États-Unis et les YPG/PKK ont empoisonné les liens entre Ankara et Washington.
“Les États-Unis ont commencé ceci sous l’ancien président américain Barack Obama, ont utilisé une organisation terroriste (PKK/YPG) pour combattre une autre organisation terroriste (Daesh) et ont maintenu les prisonniers de Daesh en prison”.
Il a déclaré que cette politique a déclenché de nombreuses crises géopolitiques, ajoutant : "Nous avons dit aux États-Unis que c'était mal, nous pouvons le faire d'une autre manière. Cela représente une énorme menace pour la sécurité nationale de la Turquie et vous le savez".
Fidan a rappelé que l’organisation terroriste PKK est également reconnue comme telle par les États-Unis et qu’une récompense de 5 millions de dollars a été placée sur la tête des dirigeants terroristes du PKK depuis de nombreuses années.
"Obama a dit que c'était temporaire. Puis Trump est arrivé. Trump a voulu à plusieurs reprises, très sincèrement, l'abolir, mais certains éléments de l'administration américaine de l'époque s'y sont opposés".
Le ministre turc des Affaires étrangères a exprimé l'espoir que la Turquie et les États-Unis parviendront au plus haut niveau d'entente sur la Syrie, la lutte contre le terrorisme et la sécurité des pays de la région dans la nouvelle ère.
Soulignant les changements potentiels dans l'administration américaine sous Trump, Fidan a précisé que le président turc Erdogan et Trump entretiennent une communication solide, qui sert de “raccourci” diplomatique pour renforcer les relations.
Au cours de sa campagne terroriste de plus de 40 ans contre la Turquie, le PKK –répertorié comme organisation terroriste par la Turquie, les États-Unis et l’Union européenne– a été responsable de la mort de plus de 40 000 personnes, dont des femmes, des enfants et des nourrissons. Les YPG sont sa branche syrienne.
Les activités d'Israël en Syrie
Concernant la politique et les actions d'Israël en Syrie, Fidan a déclaré : “Il y a une divergence entre les justifications de la politique d'Israël lorsque l'Iran et les milices iraniennes étaient en Syrie et les justifications de la politique actuelle. La politique précédente avait un fondement, mais maintenant ce fondement a disparu”.
"Bien que la nouvelle administration (en Syrie) ait déclaré 'nous ne serons une menace pour personne', le fait qu'Israël lance une invasion terrestre en Syrie, avance sur certains points, amène des éléments militaires ici et y ouvre des bases est bien sûr considéré comme une provocation”.
Fidan a souligné que l'approche d'Israël est militairement et politiquement dangereuse, rappelant que les pays de la région, notamment la Turquie, l'Arabie saoudite, l'Égypte, la Jordanie et l'Irak, s'y sont opposés et continueront de s'y opposer.
“Tous les groupes ethniques devraient être des citoyens égaux en Syrie” “Notre attente ici est que tous les groupes ethniques ; les Kurdes, les Turcs, les Yézidis, les chrétiens, les Arabes, les sunnites, les chiites et les alaouites prennent leur place dans la société syrienne en tant que citoyens égaux tout en vivant leur propre culture”, a affirmé le responsable turc.
"C'est ce que veut faire cette nouvelle administration. Pendant que cela se produit, il n'est pas acceptable que les YPG (groupe terroriste) disent qu'ils ne rendront pas les armes. C'est actuellement un problème pour la Syrie elle-même", a souligné le ministre.
À propos de Ferhat Abdi Sahin, surnommé Mazloum Abdi, qui est le soi-disant chef de l'organisation terroriste PKK/YPG en Syrie, Fidan a déclaré que le terroriste en question est directeur d'un sous-organe du groupe terroriste PKK et qu'il y a d'autres personnes au-dessus de lui au sein de l'organisation terroriste.
"Il n'est pas possible pour Ferhat Abdi Sahin de prendre une décision ou de prendre une quelconque mesure sans leur permission. Il est donc inacceptable qu'une organisation terroriste opère de cette manière en Syrie dans la nouvelle ère", a-t-il ajouté.
Cette organisation terroriste était “employée par les États-Unis pour garder” les prisonniers de Daesh, a déclaré Fidan.
Mettant en évidence la nécessité d'une équation qui maintient les prisonniers de Daesh, protège les droits des Kurdes et garantit que les YPG abandonnent leurs activités terroristes, Fidan a expliqué : “Tout d’abord, il est important que les YPG déposent les armes et la nouvelle administration à Damas prendra immédiatement en charge la gestion des prisons et des camps. Si nécessaire, la Turquie est prête à apporter son soutien à cet égard”.
Concernant la possibilité de retour des réfugiés syriens en Turquie, Fidan a dit : “Nos frères et sœurs syriens sont nos invités ici, nous ne leur demandons pas de partir. Cela ne fait partie ni de notre culture ni de la politique de notre État”.
"Mais nous travaillons à créer en Syrie les conditions qui permettront leur retour. Le nouveau gouvernement syrien et la communauté internationale y travaillent également".
Soulignant qu'il y a plus de 10 millions de Syriens déplacés non seulement en Turquie mais aussi dans de nombreux autres pays, il a déclaré que ces personnes devraient retourner dans leurs propres terres pour revitaliser la vie économique, sociale et culturelle de la Syrie.
Fidan a mentionné qu'à mesure que les conditions en Syrie s'améliorent au fil du temps, il voit que les rapatriements, qui commencent actuellement petit à petit, seront plus nombreux, ajoutant qu'il y a de nombreux indices à ce sujet.
Développements en Syrie
Pour ce qui est de l'état des relations entre la Turquie et l'Iran après la chute du régime d'Al-Assad, Fidan a déclaré que les relations bilatérales devraient être affectées positivement, notant que les positions opposées de l'Iran et de la Turquie en Syrie ont désormais disparu.
"Dans toute relation, lorsque l'on réduit le nombre de dossiers litigieux, la positivité augmente davantage. Je pense que c'est une opportunité pour promouvoir davantage les relations entre les deux pays”.
La position de la Russie
Fidan a dévoilé qu'il y a quelques jours, son homologue russe Sergueï Lavrov lui avait assuré par téléphone que la Russie souhaitait entamer à l'avenir des relations égales et respectueuses avec la Syrie.
Cela montre la flexibilité de la Russie sur certains sujets de politique étrangère et sa capacité à prendre des mesures stratégiques, a-t-il noté, ajoutant que Moscou attendait également une contribution positive d'Ankara à ce stade.
Trêve à Gaza
Concernant le cessez-le-feu entre Israël et le groupe palestinien Hamas, le ministre turc des Affaires étrangères a souligné que le cessez-le-feu aurait dû avoir lieu depuis longtemps.
Affirmant que le cessez-le-feu n'est que la première étape vers la fin du drame palestinien, Fidan a formulé que la solution à deux États doit être réalisée le plus tôt possible pour éviter que cette guerre ne se reproduise.
"Dans une géographie où il n'y a pas de solution à deux États, où les Palestiniens ne bénéficient pas d'un État honorable, de la souveraineté et du droit de vivre, je pense qu'il est normal de prédire que de telles crises se reproduiront à certains intervalles", a-t-il ajouté.
La première phase de six semaines d’un accord de cessez-le-feu à Gaza est entrée en vigueur le 19 janvier, suspendant la guerre génocidaire d’Israël qui a tué plus de 47 300 Palestiniens, pour la plupart des femmes et des enfants, et blessé plus de 111 400 depuis le 7 octobre 2023.
L'accord de cessez-le-feu en trois phases comprend un échange de prisonniers et un calme durable, visant une trêve permanente et le retrait des forces israéliennes de Gaza.