Par Camille Sari
Le Maroc, qui a fait l'objet d'un programme d'ajustement structurel depuis 1983, présente les caractéristiques d'une économie en pleine mutation économique et sociale, avec des appels à la privatisation et à la réduction des dépenses publiques.
Néanmoins, il est classé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) parmi les pays dont l'indice de développement humain est en hausse.
De nombreux facteurs favorisent la trajectoire de développement du Maroc, notamment l'augmentation du taux d'alphabétisation des adultes, la tendance positive du taux de scolarisation dans les zones rurales et les investissements dans les infrastructures routières, portuaires et ferroviaires, entre autres.
Une politique de santé rurale et urbaine et une large couverture du régime d'assurance maladie ont amélioré le bien-être et la productivité des travailleurs marocains.
En fait, la politique d'exportation du Maroc, combinée à la libéralisation du commerce extérieur, contribue à ouvrir davantage son marché au monde extérieur. Le pays a tendance à bénéficier - tant à l'intérieur qu'à l'extérieur - de sa politique d'ouverture.
Le pays s'appuie fortement sur certaines industries de transformation, notamment le textile, le cuir et les exportations de tomates, en développant le secteur de la production industrielle.
Cela permet à ce pays d'Afrique du Nord d'engranger des recettes en devises. Après son indépendance, le développement économique du Maroc s'est largement concentré sur la construction de barrages et le développement de l'agriculture pour l'autosuffisance et l'exportation.
Cependant, depuis les années 2000, la révolution industrielle a pris le dessus, attirant des investisseurs internationaux, notamment des entreprises automobiles.
Une stratégie ambitieuse
Par la suite, le pays a pris certaines mesures, notamment le développement de zones industrielles, la promulgation de nouvelles lois sur l'investissement, la mise en place d'incitations à l'exportation, l'assistance aux entreprises exportatrices et la simplification des procédures douanières.
Les exportations de produits industriels sont passées de 15 % à 35 % du volume total des exportations du pays, selon un rapport de l'ambassade de France à Rabat datant de l'année dernière.
La capacité d'un pays à rivaliser favorablement avec d'autres pays et celle de ses citoyens à s'adapter au marché du travail international dépendent de l'amélioration de la productivité, de la formation professionnelle, de la lutte contre l'analphabétisme, ainsi que de l'encouragement de l'innovation et de la recherche et du développement.
Le gouvernement marocain joue un rôle clé dans une stratégie de développement ambitieuse comprenant la création d'entreprises géantes pour faire face aux défis posés par les grandes alliances régionales et internationales du monde moderne.
Au Maroc, la plupart des entreprises tendent à occuper un vaste espace régional et international, tant au sud en Afrique subsaharienne qu'au nord dans les pays membres de l'Union européenne.
Les petites et moyennes entreprises (PME) marocaines sont bien préparées à affronter la concurrence étrangère, tant sur le marché intérieur qu'à l'exportation, et à former un noyau dur d'entreprises leaders.
Leur ambition est d'accéder à la technologie, de développer l'investissement et l'emploi, et de jouer un rôle moteur en encourageant la création d'une multitude d'entreprises autour d'elles.
A l'exception de certaines entreprises de transformation à forte intensité de main d'œuvre, la majorité des entreprises marocaines favorisent l'émergence de capacités techniques, commerciales et financières importantes.
Dynamisation des exportations
La mobilisation des capitaux nécessaires pour investir, s'adapter et se restructurer a été facilitée par le dynamisme du secteur bancaire et financier.
Il a noué des partenariats avec des banques étrangères contribuant à l'amélioration de l'industrie bancaire, des systèmes de paiement et au développement d'un réseau bancaire et d'un système de distribution de crédit favorables à l'investissement productif.
La capacité du secteur privé marocain à occuper une place centrale dans le processus de développement passe par une plus grande diversification de l'économie marocaine. L'hôtellerie, le transport urbain, l'agroalimentaire, la transformation et les nouvelles technologies ont trouvé un appui dans les investissements étrangers dans les secteurs de l'automobile, de l'aéronautique et du numérique.
Au cours des dernières décennies, le Maroc a progressé dans différents domaines, notamment avec une augmentation moyenne de 7 % par an des créations nettes d'entreprises, le nombre d'emplois a augmenté de 6,7 % par an et la masse salariale a augmenté de 13 % par an.
Selon le rapport annuel 2022 du FMI sur le Maroc, les ventes industrielles ont augmenté de 13,5 % par an, tandis que la part des investissements étrangers dans le secteur industriel est passée de 28 % en 1990 à 35 % entre 2010 et 2020. Le taux de croissance annuel de l'investissement industriel réel est de 24%.
L'augmentation de la part de l'industrie dans le PIB est davantage liée à des facteurs exogènes, mais aussi à la dynamique propre du secteur.
Les industries de transformation restent principalement axées sur la production de biens de consommation, qui représentent près de 50 % de la production totale, tandis que les biens d'équipement représentent plus de 22 %, selon le rapport annuel de Bank Al Maghrib.
La grande majorité des produits fabriqués sont bien transformés et le taux de valeur ajoutée est en hausse.
Le rapport indique qu'en 2022, les exportations marocaines de produits manufacturés ont atteint 22 milliards d'euros après une augmentation de 6,272 milliards d'euros par rapport au montant de 2021.
Il précise que les produits semi-finis sont en tête de liste des exportations marocaines, générant 63,88 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,631 milliards d'euros par rapport à la même période en 2021.
Il s'agit notamment des engrais naturels et chimiques (3,44 milliards d'euros), des acides phosphoriques (1,232 milliard d'euros) et des composants électroniques (0,35 milliard d'euros). La plupart de ces produits sont des produits dérivés du phosphate.
Les défis
Les produits finis de consommation occupent la deuxième place des exportations marocaines, avec un total de 61 milliards d'euros. Les voitures particulières représentent à elles seules le double des exportations de produits finis de consommation, avec 2,52 milliards d'euros.
En troisième position, on trouve les équipements industriels finis avec des exportations d'une valeur de 3,59 milliards d'euros. Il s'agit principalement de fils, de câbles et de conducteurs d'électricité.
Les produits alimentaires arrivent en quatrième position, avec des exportations au cours des six premiers mois de l'année s'élevant à 3,47 milliards d'euros, dont des crustacés, mollusques et coquillages, des tomates fraîches et des fruits secs, selon un rapport de la Banque mondiale datant de 2022.
Certaines contraintes pèsent sur l'économie marocaine tant au niveau international que national.
Il s'agit notamment de la dépendance vis-à-vis des biens d'équipement et du renforcement des barrières protectionnistes directes et indirectes et de la discrimination à l'égard des produits marocains destinés à l'UE.
Par ailleurs, les coûts de production en Europe de l'Est et en Asie sont également beaucoup plus bas.
Le Maroc est confronté à une nouvelle concurrence dans des domaines où il avait l'avantage, comme la production textile.
Bien qu'il fasse d'énormes progrès, il doit faire face à ces défis et tenter de les relever afin de maintenir le cap.
L'auteur, Camille Sari, est professeur d'économie à l'université de la Sorbonne à Paris.
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