Par Claude Foly Akoussan
Maxine Isabel Esteban a pratiqué du patinage artistique jusqu'à l'âge de 11 ans, avant de changer d’orientation suite à la fermeture de la patinoire où elle s’entrainait.
Elle a ainsi commencé sa carrière d'escrimeuse à l'âge de 12 ans en participant à des compétitions locales et a rapidement progressé se classant 16e au sommet de sa carrière junior et 62e dans la catégorie senior, le meilleur classement jamais atteint par une escrimeuse philippine.
Spécialiste du fleuret, elle a représenté les Philippines jusqu'en 2022 et a remporté une médaille de bronze aux Jeux d'Asie du Sud-Est en 2017 ; une médaille de bronze à la Coupe du monde junior en 2018 à Guatemala City. En équipe, elle est vainqueure de la médaille de bronze et d'argent en 2019 et 2021.
Des circonstances particulières vont l’amener à se faire naturalisée ivoirienne en 2022.
De Manille à Abidjan
"Eh bien, j'ai été gravement blessée lors du championnat du monde de 2022. Je me suis brisé le ligament croisé antérieur et, pendant ma convalescence, j'ai été injustement écarté de l'équipe nationale des Philippines (et j’ai perdu mon classement). Et j'ai toujours cru au respect et à l'équité. Alors, sans cela, j'ai estimé qu'il valait mieux apporter mes talents ailleurs".
Cette absence lui a coûté sa place dans l'équipe nationale des Philippines "malgré une lettre d'excuse adressée à la fédération", selon l’athlète qui a dénoncé le fait que d'autres escrimeurs qui n'ont pas participé aux qualifications ont pu conserver leurs places respectives.
Tout cela a conduit à un changement de nationalité : c’est ainsi que la meilleure spécialiste philippine du fleuret est officiellement devenue une Ivorienne en mai 2023.
L’Association philippine d'escrime, qui a peu communiqué sur les circonstances de ce départ, a finalement soutenu ce changement de nationalité sportive.
Elle a même renoncé à l’habituelle période d'attente de trois ans ; ce qui a permis à Esteban de concourir immédiatement pour la Cote d’Ivoire, avec le soutien du Comité olympique philippin et de la fédération internationale d’athlétisme.
Selon certaines sources, elle a choisi la Côte d'Ivoire "en raison de liens de longue date que sa famille entretient avec ce pays".
Déjà deux médailles ivoiriennes
Maxine a remporté une première médaille de bronze pour la Cote d’Ivoire aux Championnats d'Afrique d'escrime de 2023 au Caire, en Égypte.
Elle a pu s’offrir un ticket pour les Jeux olympiques d'été de 2024 après avoir accumulé suffisamment de points dans les compétitions de qualification olympique. Avant ces jeux, elle a gagnéée une médaille d'argent aux jeux africains qui se sont déroulés en mai 2024 à Accra au Ghana.
Après cette qualification longtemps désirée, Maxine a déclaré : "C'est pour la Côte d'Ivoire, le pays qui m'a accueillie, qui a cru en moi et qui m'a soutenue jusqu'au bout, et c'est aussi pour les Philippines, le pays pour lequel mon cœur battra toujours fièrement".
Porter haut le drapeau de la Cote d’Ivoire aux Jeux de Paris
Le programme de préparation de la fleurettiste s’est accéléré à partir du mois de juin avec un camp d'entraînement ou des séances en Autriche, en Pologne et en Allemagne pour croiser le fer avec des tireurs des équipes nationales autrichienne, ukrainienne et japonaise.
D’autres séances ont suivi pour se mesurer avec des compétitrices de niveau international à Paris à quelques jours des jeux.
Au mois de juillet 2024, Maxine Esteban (27è) et l’Égyptienne Elsharkawy Yara sont les seules Africaines présentes dans le top 30 des fleurettistes mondiales, selon le site de la FIE consulté par TRT Afrika.
L’Ivoirienne qui va prendre part ses premiers JO veut entrer dans le top 16 mondial.
"Je ferai de mon mieux pour réaliser ce que je peux. Et j'espère que dans le temps de Dieu, je pourrai peut-être obtenir une médaille pour la Cote d’Ivoire. Je pense que mon rêve est d'inspirer les jeunes Africains à croire en eux-mêmes et à être capables d'avoir de meilleures opportunités de vie grâce au sport".
"Et je rêve de gagner l'or, bien sûr, pour la Côte d'Ivoire…. Et je pense qu'avec cela, je peux d'attirer l'attention des sponsors pour obtenir des fonds et construire un beau centre, un centre d'escrime qui va donner aux jeunes escrimeurs africains, une chance d'exceller dans l'escrime et d'obtenir des bourses d'études des universités à l'étranger".
Je pense que la meilleure façon est de commencer avec des projets de base et des cliniques d'escrime gratuites pour les jeunes enfants, et des compétitions locales périodiques sont la meilleure façon d'exposer les enfants à l'escrime. C'est le meilleur moyen d'exposer les enfants à l'escrime.
L’impact d’un entraineur de renom
Outre son talent, le progrès de Maxine durant ces dernières années est dû aussi à un meilleur encadrement selon les observateurs. Alors qu’elle était ardemment désireuse de se qualifier pour ses premiers Jeux olympiques, elle a bénéficié du soutien de sa famille qui a décidé de faire appel en 2020 à l’Italien Andrea Magro, un des meilleurs entraineurs du monde.
Ce maître d’armes qui compte 30 ans d’expérience a entrainé la sélection italienne et a surtout guidé Maria Valentina Vezzali, considérée comme la plus grande dame de l'escrime mondiale, vers six médailles d'or olympiques et 16 titres mondiaux. Il a aussi formé des athlètes japonais, koweïtiens et américains.
Quatre ans plus tard, Maxine apprécie le chemin parcouru avec le spécialiste.
"J'ai toujours eu un grand respect pour son travail et ses réalisations, et c'était une bénédiction qu'il ait accepté de m'emmener sous son estime jusqu'à la corniche. Le respect est très important dans toute relation entre un entraîneur et un athlète. Et j'apprécie vraiment toutes les leçons que j'ai apprises de lui. Pas seulement en escrime, mais aussi dans la vie…. Je pense que l'une des meilleures choses que j'ai apprises de lui, c'est de toujours croire en moi et de toujours réessayer quand j'échoue. Et depuis qu'il est devenu mon entraîneur, j'ai obtenu beaucoup de premiers succès, ce dont nous sommes très fiers. Nous en sommes très fiers".
La fleurettiste suit des cours en arts et sciences à l'Université de Pennsylvanie où elle a obtenu pour le moment son diplôme de premier cycle. Une piste pour une future transition en cas de retraite sportif ?
« Eh bien, je crois toujours que les opportunités ne frappent jamais deux fois dans une vie. Donc, à cet âge, je suis dans la fleur de l'âge de ma carrière sportive… C'est pourquoi j'ai mis mes autres priorités entre parenthèses. J'ai toujours voulu être entrepreneur et créer ma propre marque mondiale. Mais pour l'instant, je me concentre sur l'escrime. »
Abandonner, c’est accepter de ne pas gagner
Maxine, philippine d'origine chinoise, désormais ivoirienne et africaine se sent vraiment comme une citoyenne du monde
"Je sens que j'ai maintenant une plus grande responsabilité en tant qu'athlète mondiale parce qu’à part le privilège d'avoir deux pays comme maison, les Philippines et la Côte d'Ivoire, je dois inspirer les jeunes athlètes de tous les continents à travailler dur, à persévérer, à viser l'excellence, et à ne jamais abandonner".
Elle a voulu bien partager avec TRT Afrika l’expérience qu’elle tiré des moments très difficiles notamment une grave blessure après laquelle certains diagnostics disaient qu’elle ne pourra plus jamais faire de l’escrime.
"Dans ces moments difficiles, je me souviens toujours de ce que m'a dit mon défunt oncle : ceux qui abandonnent ne gagnent jamais. Et quand tu n’abandonnes pas, tu as toujours une chance de gagner. Donc, dans ces moments difficiles, je me rappelle toujours que je suis la seule personne à pouvoir tracer mon propre destin. C'est pourquoi, lorsque les choses deviennent difficiles, je me dis que je dois être plus forte".