Par Firmain Eric Mbadinga
Alassane Thiam, soudeur de formation et inventeur dans l'âme, aurait pu passer son temps à ruminer les difficultés financières de sa famille qui ont été un obstacle majeur à sa scolarisation.
Au lieu de cela, ce jeune natif de Mbar, une commune de la région de Fatick, dans le centre-ouest du Sénégal, a choisi de canaliser son ingéniosité et sa débrouillardise dans une invention qui a transformé la façon dont les habitants de l'arrière-pays utilisent le combustible pour cuisiner.
Le four à huile de vidange d'Alassane, un engin aussi utile qu'unique, repose sur le principe de l'utilisation d'une ressource facilement disponible, les lubrifiants de véhicules usagés, pour créer une solution de cuisson abordable et efficace pour les communautés rurales.
Son innovation change déjà la donne dans les communes où les combustibles traditionnels, tels que le bois de chauffage et le gaz butane, sont soit rares, soit chers.
À Mbar, le four d'Alassane est une opportunité pour quelque 26 000 habitants qui vivent traditionnellement de l'élevage et de l'agriculture sur des terres de plus en plus arides.
''J'éprouve un sentiment de fierté en pensant que ce que j'ai conçu permet aux gens de faire des économies considérables sur les combustibles de cuisson. C'est la plus grande récompense, ce sentiment de fierté.'' explique-t-il à TRT Afrika.
Un mécanisme simple
Le réchaud à huile est constitué d'un bec et d'un réservoir intégré qui contient de l'huile de vidange. Ce lubrifiant des pièces des véhicules est collecté dans les garages pour une modique somme, quand ce n'est pas gratuitement.
Le réchaud est aussi doté d'un mécanisme de déclenchement avec des hélices. Le système propulse l'air à l'intérieur, ce qui maintient la flamme stable. Il y a deux robinets : l'un fait circuler l'huile lorsqu'il est activé et l'autre facilite le passage de l'air.
Pour faire fonctionner le réchaud, l'utilisateur doit l'allumer puis actionner la gâchette, ce qui garantit un flux d'air et d'huile continu et régulier.
En termes de performances, l'installation est comparable aux fours traditionnels, mais à un coût nettement inférieur à ceux fonctionnant au gaz, au bois de chauffage ou à l'électricité.
Une invention rentable
Alassane a créé le four à huile de vidange dans l'atelier de son père soudeur, inspiré par l'idée de créer quelque chose qui profiterait à sa communauté et pourrait être développé à grande échelle.
''Cette idée est née de mon désir de rendre la vie un peu plus facile à nos mères, qui ont souvent du mal à trouver du combustible pour cuisiner. Dans ma communauté, il leur est difficile de trouver du bois de chauffage. Quant au gaz butane, il est cher pour la plupart des ménages '', confie t-il à TRT Afrika.
L'huile de vidange est (quelques rares fois) vendu à Alassane à environ 40 francs CFA (0,065 dollar) le litre.
''Avec 200 francs CFA d'huile de vidange, un utilisateur peut préparer au moins trois repas par jour pendant un mois'', précise t-il.
Une famille à l'écoute
Le père d'Alassane, Cheikh Thiam, a toujours su que son fils avait un esprit créatif, qu'il fallait simplement cultiver ou canaliser. Bien qu'il n'ait pas les moyens de payer une scolarité, Cheikh a inscrit Alassane dans un centre de formation au métier de menuisier métallique.
Le jeune homme s'est rendu dans la ville de Touba, à de nombreux kilomètres de sa commune, pour perfectionner ses compétences et en est revenu transformé.
Armé de son savoir-faire en matière de soudure, Alassane s'est attelé à la construction du four qui allait le rendre célèbre à Mbar et au-delà.
''Tout le monde est intrigué par la simplicité et la fonctionnalité de mon système. Il suffit d'allumer le combustible, d'actionner la gâchette et c'est tout '', signale Alassane.
Son plan de marketing consiste à mettre en œuvre la plus ancienne forme de publicité au monde : le bouche-à-oreille.
S'agissant des prix, Alassane affirme les adapter à la clientèle en adéquation avec ses charges d'entrepreneur.
''Nous pratiquons des prix qui nous permettent de couvrir nos frais et, en même temps, d'aider les ménages qui n'ont pas beaucoup de pouvoir d'achat. Nous vendons un réchaud simple à 75 000 francs CFA (120 dollars) et un réchaud à deux feux au double du prix'' explique Alassane.
La '' machine à huile '' d'Alassane est déjà très demandée, ce qui l'a incité à augmenter sa capacité de production et à diversifier sa fabrication. Il emploie désormais du personnel pour l'aider à fabriquer d'autres machines et à installer le même système dans des machines agricoles, des tracteurs et des tricycles.