Ce sont désormais les députés qui éliront le président de la République au Togo/ Togobreakingnews

Clap de fin pour le feuilleton politique autour de la réforme constitutionnelle qui tient en haleine le Togo depuis fin mars : les députés ont définitivement adopté vendredi une nouvelle Constitution contestée par l'opposition à seulement dix jours des élections législatives.

Adoptée vendredi soir avec 87 voix sur 87 à l'Assemblée, la nouvelle Constitution fait basculer le pays d'un régime présidentiel à un régime parlementaire et acte la disparition du suffrage direct pour choisir le président de la République, en même temps qu'elle crée la fonction de "Président du Conseil des minis tres" qui concentre tous les pouvoirs.

La magistrature suprême est, selon les termes de la nouvelle Constitution, vidée de sa substance puisque le nouveau président est privé de toute prérogative.

Ce sont les députés qui éliront le chef de l'Etat "sans débat" et "pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois".

Le véritable exercice du pouvoir résidera entre les mains d'un Président du conseil des ministres, une sorte de super-Premier ministre, qui sera obligatoirement "le chef du parti majoritaire" à l'Assemblée nationale, stipule le nouveau texte.

Aujourd'hui, Faure Gnassingbé est le président du parti majoritaire à l'Assemblée, l'Union pour la République (UNIR).

C'est là que le bât blesse : l'opposition voit dans cette nouvelle fonction une manoeuvre de la part du président Faure Gnassingbé pour se maintenir au pouvoir, lui qui a pris la tête de l'Etat en 2005 à la suite de son père resté près de 38 ans aux manettes du pays.

Pour Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais (PT, opposition), Faure Gnassingbé "a démontré que la préoccupation majeure de son régime est de conserver le pouvoir vaille que vaille".

Avec la nouvelle Constitution, "c'est la fonction de président du Conseil qui donne la latitude à quelqu'un d'exercer le pouvoir de manière illimitée et donc, logiquement, on en déduit que c'est le poste qu'il se réserve", a-t-il expliqué à l'AFP vendredi matin.

Le chef de l'Etat avait déjà réaménagé la Constitution en 2019 lui permettant de remettre les compteurs à zéro et de briguer deux nouveaux mandats supplémentaires, en 2020 et 2025. Mais il aurait été forcé de quitter le pouvoir en 2030.

Les députés togolais avaient déjà adopté la nouvelle Constitution le 25 mars, après quelques heures de dé bat et sans que le texte soit rendu public, ce qui avait immédiatement déclenché un tollé parmi l'opposition mais aussi la société civile, qui ont rapidement qualifié ce vote de "coup d'Etat institutionnel".

Pour entrer en vigueur, la nouvelle Constitution doit passer la formalité d'être promulguée par Faure Gnassingbé.

Législatives sous tension

Ce changement constitutionnel passe d'autant plus mal qu'il intervient à quelques jours des élections législatives, initialement prévues le 20 avril, mais finalement décalées au 29 pour donner le temps aux députés de proc éder à un nouveau vote du texte, ainsi que l'avait demandé le chef de l'Etat.

Auront lieu le même jour et pour la première fois dans le pays les élections régionales.

Contrairement au dernier scrutin législatif de 2018 qu'elle avait boycotté, l'opposition a décidé de se mobiliser massivement cette année.

Elle avait prévu deux journées de manifestations les 12 et 13 avril, mais elles ont été interdites par les autorités et les membres de l'opposition ont été empêchés de se réunir.

Dans une région troublée par les coups d'Etat (Mali, Burkina Faso, Niger, Guinée) et les crises politiques (Sénégal), la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a dépêché lundi une mission à Lomé.

L'institution régionale avait dans un premier temps mentionné "le contexte crucial" au Togo et la "gravité des réformes constitutionnelles controversées".

Avant de faire volte-face le lendemain en expliquant dans un communiqué qu'elle y effectue "une évaluation préélectorale" et "ne s'engagera dans aucun autre processus comme indiqué dans un communiqué antérieur".

AFP