#LXS94 : Swearing-in of President Felix Tshisekedi / Photo: AFP

Ces délais ne sont pas exceptionnels dans le vaste pays aux équilibres régionaux complexes, habitué aux interminables marchandages politiques. Mais compte tenu de "la majorité très claire" de Félix Tshisekedi et des "urgences" à gérer, "on aurait pu s'attendre à plus de célérité", note le politologue Christian Moleka.

"La sortie du gouvernement, c'est un moment de partage de gâteau, certainement que les politiciens s'arrangent pour éviter les frustrations", commente de son côté Brandon, fonctionnaire de 33 ans, rencontré jeudi matin sur le chemin de son travail à Kinshasa.

"Malheureusement, cela se fait sans tenir compte de la population", juge le jeune homme.

Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis janvier 2019, a été réélu haut la main dès le premier tour de la présidentielle du 20 décembre, avec plus de 73% des voix, et les partis de son "Union sacrée" ont raflé quelque 90% des sièges de députés nationaux aux législatives organisées le même jour.

Officiellement investi pour un nouveau mandat de cinq ans le 20 janvier, le président recevait un mois plus tard, le 21 février, la démission de son Premier ministre Sama Lukonde, en poste depuis 2021, et chargeait l'équipe sortante d'expédier les affaires courantes.

Le 1er avril, la ministre du Plan, Judith Suminwa Tuluka, était nommée Première ministre, première femme à occuper ce poste en RDC. Depuis lors et après avoir été dûment félicitée par toutes les forces vives du pays, elle consulte.

Parallèlement à ces conciliabules, d'autres avaient lieu au Parlement et se sont prolongés eux aussi, y compris au sein de l'Union sacrée qui a dû organiser des primaires pour choisir entre trois hommes son candidat à la présidence de l'Assemblée nationale.

"Nébuleuse"

En effet, tout en ayant une majorité écrasante, l'Union sacrée "est une nébuleuse, sans pivot clair", explique Christian Moleka.

Le parti de Félix Tshisekedi (l'Union pour la démocratie et le progrès social - UDPS) a certes une centaine de sièges, mais "le reste est éclaté en petits regroupements, et il faut négocier le quota pour chacun d'eux", poursuit le coordonnateur de la "dynamique des politologues" (Dypol) de RDC.

"Il y a plus de 900 partis politiques au Congo", rappelle-t-il.

Finalement, Vital Kamerhe, ministre de l'Économie dans le gouvernement Lukonde, a été choisi le 23 avril comme candidat de la majorité pour le "perchoir", poste qu'il a déjà occupé de 2006 à 2009 sous le régime de l'ex-président Joseph Kabila. Son élection n'est plus qu'une formalité.

Mais celle-ci et la composition du bureau définitif de l'Assemblée nationale traînent elles aussi, pendant que le long cycle électoral enclenché en fin d'année dernière s'est poursuivi cette semaine, avec l'élection indirecte des sénateurs et des gouverneurs de provinces.

Techniquement, le gouvernement pourrait être formé avant le bureau de l'Assemblée, mais la Première ministre devrait alors attendre pour pouvoir présenter son programme aux parlementaires et obtenir un vote de confiance.

En attendant, "le gouvernement sortant ne peut pas engager grand-chose, le pays est en mode de pilotage automatique", relève Christian Moleka.

Pour son second mandat, le président Tshisekedi a décliné son programme en six priorités: création d'emplois, augmentation du pouvoir d'achat, diversification de l'économie très dépendante du secteur minier, accès aux services de base, modernisation du pays et, point crucial, sécurité.

L'est de la RDC est en proie depuis trente ans aux violences de nombreux groupes armés et connaît un pic de crise avec la résurgence fin 2021 de la rébellion du M23 ("Mouvement du 23 mars").

Soutenus par le Rwanda voisin, ces rebelles occupent de larges pans de territoire dans la province du Nord-Kivu et continuent de progresser. Ils se sont notamment emparés cette semaine de la cité minière de Rubaya, d'où sont extrait divers minerais stratégiques dont le coltan.

AFP