Le rapport du Groupe d’experts des Nations Unies sur la situation sécuritaire en République démocratique du Congo (RD Congo) du 4 juin, met en lumière l’intensification des opérations militaires des Forces démocratiques alliées (ADF), affiliées à l’organisation terroriste, Daesh, depuis octobre 2023, en particulier dans le nord du territoire de Beni et le sud de la province de l’Ituri.
Selon ce rapport , "les ADF restent le groupe armé le plus meurtrier en RD Congo en 2023, ayant tué plus de 1 000 personnes, principalement des civils".
Le rapport exprime une vive inquiétude quant à la stratégie des ADF. Depuis le début de l’opération Shuja, une offensive militaire menée conjointement par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les Forces de défense populaires de l’Ouganda (UPDF), en novembre 2021, note le document, "les ADF ont réduit leurs attaques contre les acteurs de la sécurité mais ont augmenté les meurtres de civils, une stratégie visant à se venger des opérations militaires menées contre elles".
Les insurgés ont évité les contacts directs avec les FARDC et les UPDF, ce qui a entraîné une diminution des attaques contre les acteurs de la sécurité.
Cependant, "cette mobilité a eu des répercussions négatives sur la population, qui subit systématiquement des attaques lors des déplacements des ADF, provoquant panique et déplacements massifs", indiquent les experts onusiens.
Aussi, il a été noté que les terroristes ont mené plusieurs attaques meurtrières contre des centres urbains densément peuplés, notamment autour des zones de Mavivi et de Beni.
"Ces attaques ont entraîné des déplacements importants de populations vers la périphérie de Beni, où les camps de déplacés ont été attaqués à plusieurs reprises par les ADF sous prétexte qu’ils abritaient des éléments Wazalendo (une milice pro-gouvernementale)", explique le rapport, soulignant que les insurgés ont également "visé des centres urbains pour détourner l’attention de l’opération Shuja, se concentrant sur les bastions des ADF dans la province de l’Ituri".
En Ouganda voisin, les experts onusiens rapportent que les ADF ont continué leurs opérations avec des attaques contre des civils et des tentatives d’attentats à la bombe, bien que ces attaques aient diminué après que les UPDF ont tué et arrêté plusieurs combattants en fin 2023.
Le rapport note également que "les ADF continuent de dépendre de collaborateurs pour le réapprovisionnement, y compris en nourriture, et pour la pose d’engins explosifs improvisés, certains collaborateurs ayant été recrutés de force".
Les ADF ont profité de la présence fragmentée des entités de sécurité en Ituri et de la mobilisation de l’opération Shuja sur une large zone d’opérations pour influencer la dynamique et les opérations d’autres groupes armés.
En réponse, les Maï-Maï et d’autres groupes armés ont intensifié leurs activités, "utilisant l’étiquette ‘Wazalendo’ pour justifier leur expansion".
Si les experts onusiens n’ont pas donné les raisons des difficultés notamment financières de ADF, elles peuvent être attribuées à la mort de l’un de leurs principaux financiers, Suhayl Salim Mohamed Abdelrahman alias Bilal al-Soudani, tué en janvier 2023 par les Etats-Unis dans une opération en Somalie.
Dans son rapport de juin 2023, le groupe d’experts détaillait comment ce terroriste tanzanien, les approvisionnait, via un système financier mis en place depuis 2019, impliquant plusieurs individus dans différents pays du continent, partant de la Somalie et passant par l’Afrique du sud et l’Ouganda.
Le défunt terroriste était le nœud de ce système, sous les ordres du fondateur de de Daesh en Somalie, Yusuf Abdulqadir Mumin.
Cependant, les terroristes sont restés résilients comptant sur des collaborateurs à Butembo. Ils ont aussi étendu leur réseau en Ituri, "s’appuyant sur les réseaux Nande (l’un des plus influents groupes ethniques de l’est de la RDC) d’hommes d’affaires et de notables du Grand Nord".
Ces collaborations ont facilité l’expansion et le réapprovisionnement du groupe dans le sud d’Irumu, à Mambasa et à Bunia, où les réseaux Nande exercent une forte influence économique et politique.
"Les difficultés financières des ADF sont un point crucial, car elles montrent la dépendance croissante du groupe sur ces réseaux pour survivre et continuer leurs opérations", explique le rapport.
Le document relève que les réseaux des ADF dans les prisons ont été particulièrement actifs, notamment à Kinshasa, où des détenus importants avaient été transférés après l’évasion de la prison de Kangbayi, dans l’Est, en octobre 2020.
Les détenus des ADF ont continué à recruter et à former des combattants et des collaborateurs, souvent en passant par les liens familiaux ou amicaux, principalement dans le Grand Nord.
"Ils ont reçu des transferts d’argent mobile de la part des dirigeants des ADF et redistribué ces fonds pour le recrutement et la mobilisation", alertent les experts onusiens.
Créées en 1995 en Ouganda par Jamil Mukulu sous le nom du Mouvement des combattants ougandais pour la liberté, les ADF se sont progressivement installées dans l’Est de la RDC sous la pression de Kampala.
Depuis 2019, le groupe, sous la direction Musa Baluku a prêté allégeance à Daesh dont il est la province en Afrique centrale.