"La cour casse et annule la décision du tribunal de Ziguinchor du 12 octobre et renvoie l'affaire au tribunal hors classe de Dakar" pour qu'elle soit rejugée, a annoncé le président de la Cour suprême Ali Ciré Ba.
Le mois dernier, le tribunal de Ziguinchor, la ville dont M. Sonko est le maire depuis 2022, avait annulé la radiation de l'opposant des listes électorales, rendant possible sa candidature à la présidentielle de février 2024 dont il serait l'un des principaux candidats.
L'Etat avait fait appel de cette décision.
"Cette décision ne nous arrange pas. L'affaire sera rejugée mais les parrainages seront bientôt terminés", a dit Me Babacar Ndiaye, l'un des avocats de M. Sonko.
Compte-à-rebours
L'obtention des parrainages est une étape indispensable à la candidature à la présidentielle, qui doit se dérouler avant le dépôt des candidatures prévu du 11 au 26 décembre.
Or, le ministère de l'Intérieur a refusé jusqu'alors de délivrer à M. Sonko les fiches officielles qui lui permettraient de recueillir ses parrainages, arguant que la décision du juge de Ziguinchor n'était pas définitive.
La Cour suprême n'a pas fixé de délai au nouveau jugement concernant cette affaire au tribunal de Dakar. Elle a estimé que la décision prise par le juge de Ziguinchor était irrégulière.
Dans la matinée, la Cour de justice de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) à Abuja avait infligé un autre coup sévère au candidat en jugeant que l'Etat du Sénégal n'avait pas violé ses droits.
La cour avait été saisie par les avocats de M. Sonko pour contester sa radiation des listes électorales sénégalaises après une condamnation dans une affaire de moeurs.
"En jugeant comme elle l'a fait, les dictateurs pourraient désormais agir comme l'Etat du Sénégal a fait et se prévaloir d e la jurisprudence de la Cour", a affirmé Me Ciré Clédor Ly, un des conseils de Sonko.
L'audience à Dakar s'est ouverte vendredi matin dans une Cour suprême aux allures de camp retranché, protégée par un fort dispositif policier, a constaté un journaliste de l'AFP.
Le procureur général de la Cour suprême, Ousmane Diagne, avait demandé de "rejeter le recours de l'agent judiciaire de l'Etat", assurant que le tribunal de Ziguinchor était bien compétent pour examiner la demande de réintégration sur les listes de M. Sonko.
Bras-de-fer
Le bras de fer de M. Sonko avec l'Etat dans plusieurs affaires politico-judiciaires tient le Sénégal en haleine depuis deux ans et demi et a déclenché les troubles les plus meurtriers depuis des années dans le pays.
Son discours souverainiste et panafricaniste, ses diatribes contre "la mafia d'Etat", les multinationales et l'emprise économique et politique exercée selon lui par l'ancienne puissance coloniale française lui valent une forte adhésion chez les moins de 20 ans qui représentent la moitié de la population. Ses détracteurs voient en lui un agitateur incendiaire.
L'opposant avait appelé jeudi soir à la résistance, estimant que la souveraineté des Sénégalais et la "destinée de la nation" étaient en jeu vendredi.
"Nous devons nous lever pour une justice équitable, libre et indépendante, pour le droit de vivre dans un pays sans craindre d'être arrêté et emprisonné sans justification", a-t-il déclaré sur ses réseaux sociaux.
Dakar était calme vendredi en fin d'après-midi. Les autorités ont interdit la circulation des motos et la vente de carburant au détail.
M. Sonko, 49 ans, a été déclaré coupable le 1er juin de "corruption de la jeunesse" et condamné à deux ans de prison ferme. Ayant refusé de se présenter au procès qu'il dénonçait comme un complot pour l'écarter de l'élection, il a été condamné par contumace.
Il a été écroué fin juillet sous d'autres chefs d'inculpation, dont appel à l'insurrection, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et atteinte à la sûreté de l'Etat.
Il a annoncé mi-octobre une nouvelle grève de la faim.