Par Mamadou Thiam
Le très attendu « Message à la Nation » du Président Macky Sall a sonné comme une certaine délivrance pour les citoyens qui attendaient une réponse claire du dirigeant à qui les opposants attribuaient des velléités de "troisième mandat".
Lundi soir, le président a finalement levé le doute sur cette question qui agite l’espace public depuis plusieurs mois.
"Mes chers compatriotes, ma décision longuement et mûrement réfléchie est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024. Et cela, même si la constitution m’en donne le droit"
"En effet, depuis la révision constitutionnelle de 2016, le débat juridique a été définitivement tranché par la décision du Conseil Constitutionnel n°1-C-2016 du 12 février 2016", a ajouté le dirigeant.
"Le Sénégal dépasse ma personne"
Le chef de l’Etat a tenté de convaincre son bord politique, la coalition Benno Bokk Yakaar, dont plusieurs responsables avaient réclamé sa troisième candidature.
"Je sais que cette décision surprendra ceux et celles qui souhaitent me voir encore guider la construction du pays qui trouve de plus en plus ses marques. Mais le Sénégal dépasse ma personne et il est rempli de leaders également capables de pousser le pays vers l’émergence", a déclaré Macky Sall.
Dans cette allocution retransmise par la RTS, la chaîne publique, le président sénégalais est revenu sur cette longue attente autour de sa décision.
"On a tant spéculé, commenté sur ma candidature à cette élection. Cependant, Je n’ai jamais voulu être l’otage de cette injonction permanente à parler avant l’heure, car mes priorités portent surtout sur la gestion d’un pays, d’une équipe gouvernementale cohérente et engagée dans l’action pour l’émergence, surtout dans un contexte socio-économique difficile et incertain", a -t-il avancé.
Dans ses explications, Macky Sall affirme qu’il n’a jamais été question d’une quelconque candidature.
"Contrairement aux rumeurs qui m'attribuent une nouvelle ambition présidentielle, je voudrais dire que j’ai une claire conscience et mémoire de ce que j’ai dit, écrit et répété ici et ailleurs, c’est-à-dire que le mandat de 2019 était mon second et dernier mandat. C’est cela que j’avais dit et c’est cela que je réaffirme ce soir. J’ai un profond respect pour les Sénégalais et les Sénégalaises qui m’ont lu et entendu. J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole", a insisté Macky Sall.
"Le peule n’attendait pas plus"
La décision du président Macky Sall de ne pas se présenter en février prochain a suscité des réactions sur les réseaux sociaux et a trouvé un écho favorable au sein de la classe politique du pays. Opposant et maire de la ville de Dakar, Barthélémy Dias a salué l’esprit de dépassement du chef de l’Etat.
"Nous remercions les chefs religieux pour leur implication. Nous félicitons le président Macky Sall pour le respect de la parole donnée. S’il avait agi autrement, cela pourrait créer d’autres problèmes. Je pense que c’est ce que le peuple sénégalais attendait", a réagi l’édile.
"Nous souhaitons que tout le monde puisse participer aux élections et que cela se passe dans les meilleures conditions. Les Sénégalais sont rassurés et ils peuvent sereinement se pencher sur le scrutin à venir. C’est dans la démocratique qu’on peut conquérir le pouvoir", a estimé le maire de Dakar.
Macky Sall assure que son gouvernement prendra toutes les dispositions nécessaires pour une bonne organisation de la présidentielle du 25 février 2024. Et d’ici la transmission du pouvoir au futur président de la république (NDLR : 2 avril 2024), le chef de l’Etat a informé qu’il va continuer à assumer avec "responsabilité" et "fermeté" toutes les charges qui incombent à sa fonction.
"Je continuerai de consacrer toutes mes forces à défendre, sans failles, les institutions constitutionnelles de la république, le respect des décisions de justice, l’intégrité du territoire, la protection des personnes et des biens. Je resterai à vos côtés, à votre écoute et au service de la république et de la nation", a déclaré Macky Sall.
Proche du président, par ailleurs ministre de l’Agriculture, Aly Ngouille Ndiaye affirme que cette décision n’est point une surprise pour lui.
"Tous les Sénégalais sont satisfaits de ce discours mémorable du président Macky Sall. Il aura la chance d’organiser des élections, sans pour autant être candidat. Ce qu’aucun autre président sénégalais n’a connu. Pour moi, ce n’est pas une surprise", s’est-il réjoui.
Preuve de grande intelligence
Après deux mandats (un de 7 ans et un autre de 5 ans), Macky Sall s’est résolu à respecter sa parole. Pour lui, l’heure du bilan n’est pas encore sonnée.
"Il viendra plus tard alors que des occasions se présenteront pour vous parler de ce que le Sénégal a été sous ma présidence", a suggéré le dirigeant.
Macky Sall a profité de son discours pour interpeller la classe politique sénégalaise, sans exclusive.
"Notre pays nous demande de regarder ensemble vers l’avenir afin que nous soyons les bâtisseurs du Sénégal de demain. Consolidons les forces de nos institutions tout en remédiant à leurs faiblesses. Abandonnons les postures populistes, nihilistes, extrémistes qui tentent de présenter notre pays comme un désert sans loi. Chaque nation peut être éprouvée, chaque société peut être traversée par des tensions", a invité le chef de l’Etat.
En Afrique, l’ancien président nigérien Mamadou Issoufou a été le premier à publier quelques notes à l’endroit de Macky Sall.
"Le Président Macky Sall vient de faire preuve d’une grande intelligence politique. Ainsi, le Sénégal reste un des porte-flambeau dont la flamme éclaire notre continent", dira-t-il.
Journaliste et analyste politique à la chaîne privée TFM, Barka Ba estime que le successeur d’Abdoulaye Wade a pris la bonne décision.
"Macky Sall s’offre une porte de sortie très honorable. Il ne devait pas se tromper de combat. Cette attitude montre qu’il y a une vie après et que l’Afrique a besoin de leaders capables de prendre certaines décisions et pas des moindres".