Libye : des jeunes mobilisés pour les municipales, premier scrutin de leur vie

Libye : des jeunes mobilisés pour les municipales, premier scrutin de leur vie

Le vote a lieu dans 58 municipalités sur 142, soit près de 190.000 électeurs sur 7 millions d'habitants.
Le 7 juillet 2012, à Benghazi, en Libye, une jeune fille se tient aux côtés de sa mère alors que des femmes font la queue pour voter lors des premières élections libyennes depuis des décennies. Photo : Getty

Distribution de tracts, discussions avec les électeurs: des jeunes de Misrata se sont mobilisés en vue des municipales organisées ce samedi dans leur ville de l'ouest de la Libye, un pays où les élections sont rarissimes depuis le renversement de Mouammar Kadhafi en 2011.

Ce scrutin qui concerne 58 municipalités sur 142 au total et pour lequel près de 190.000 électeurs sont répertoriés (sur 7 millions d'habitants), suscite un engouement chez les plus jeunes, qui n'ont souvent jamais voté de leur vie.

Grâce à une relative accalmie sur le plan sécuritaire, il se tient pour la première fois depuis une décennie dans des localités réparties sur tout le territoire d'un pays miné par les divisions entre l'Est et l'Ouest, où sont basées deux autorités rivales.

Outre Misrata dans l'ouest, il est organisé dans l'est à al-Abraq ou al-Qobba, fief du chef du Parlement Aguila Saleh, et dans le sud à Ghadamès.

Pas de vote en revanche à Tripoli où des municipales ont déjà eu lieu ces dernières années ni à Benghazi, bastion du maréchal Khalifa Haftar.

A Misrata, troisième ville de Libye avec environ 400.000 habitants, les murs sont placardés des affiches de candidats et de pancartes de la Haute commission électorale (HNEC) appelant à voter sous le slogan "Ta voix construit ta municipalité".

Pendant la campagne, la HNEC a diffusé sur les réseaux sociaux conseils et renseignements sur les candidatures en jeu et les modalités du scrutin, avec vidéos, dessins et graphiques à l'appui. Elle a aussi mobilisé des dizaines de volontaires et de scouts.

"Notion nouvelle"

Aux feux et carrefours de Misrata, un groupe de bénévoles distribue des dépliants, échangeant quelques mots avec les automobilistes pour les inciter à aller voter. D'autres expliquent aux commerçants comment accéder au programme de certains candidats, en scannant un QR code.

"Les élections, c'est une notion nouvelle ici. Pour que les gens les acceptent et comprennent (le processus), il faut des campagnes de sensibilisation", explique à l'AFP Radouane Erfida, un bénévole de 21 ans.

Pour Mohammed Al Moher, un autre volontaire de 25 ans, il est essentiel de redonner espoir dans le processus démocratique.

"Nous essayons, à travers ces élections et celles à venir, de raviver les rêves des gens (...) et de faire en sorte qu'ils se rendent à nouveau aux urnes et choisissent des candidats dont la vision correspond à la leur", dit-il.

Après la mort de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye avait organisé en 2012 des élections pour choisir les 200 membres du Congrès général national (Parlement), suivies en 2013 des premières municipales.

Après deux scrutins jugés réussis, des élections parlementaires en juin 2014 avaient été marquées par une très faible participation en raison des violences.

Monopole des "anciens"

En août 2014, après des semaines de combats, une coalition de milices s'était emparée de Tripoli et y avait installé un gouvernement avec l'appui de Misrata, forçant le Parlement nouvellement élu à s'exiler à l'Est. Malgré la désignation en décembre 2015 de Fayez al-Sarraj comme Premier ministre après un accord interlibyen parrainé par l'ONU, les divisions n'ont cessé de s'accroître entre l'ouest et l'est.

La Libye est aujourd'hui dirigée par deux gouvernements parallèles, l'un mené par le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah basé à Tripoli et reconnu par l'ONU et un autre incarné par le Parlement et dominé par le maréchal Khalifa Haftar, basé à Tobrouk.

Entre 2019 et 2021, des municipales avaient bien eu lieu mais dans une poignée de villes. Un scrutin parlementaire et une présidentielle étaient également prévus fin 2021 afin de réunifier le pays mais ce processus n'a cessé d'être repoussé en raison des dissensions Est-Ouest.

"Nous en avons assez de voir des anciens monopoliser l'espace (politique). Il est temps que les jeunes soient impliqués ailleurs que sur les champs de bataille", affirme Nouh Zagout, 29 ans, candidat à Misrata.

Ce pharmacien est convaincu que les jeunes "possèdent à la fois les connaissances et les compétences nécessaires pour contribuer de manière significative à la vie politique".

AFP