Par Abdulwasiu Hassan
Une scène centrale du film primé du scénariste et réalisateur ghanéen Blitz Bazawule, The Burial of Kojo, sorti en 2018, montre deux frères - Kojo et Kwabena - fixant l'abîme de ce qui semble être une mine abandonnée.
« À quelle profondeur penses-tu qu'il se trouve ? » demande Kojo, ce à quoi son frère répond qu'il n'en a aucune idée.
Kwabena pousse alors son frère dans le puits, dans un acte de vengeance soudain qui définit l'intrigue placé dans le contexte de l'exploitation minière illégale et de ses conséquences dans l'ancienne Côte d'Or de l'Afrique.
Le réalisme de Bazawule pour raconter cette histoire passionnante peut aspirer à l'étalon-or du cinéma, mais tout ce qui brille au Ghana aujourd'hui n'est manifestement pas de l'or.
L'extraction illégale d'or, « galamsey » dans la langue locale, a de graves répercussions environnementales, sociales et économiques dans ce pays de 35 millions d'habitants.
Ce fléau s'est intensifié au cours de la dernière décennie, malgré la réglementation des agences gouvernementales et la condamnation sociale. Les manifestations initiées par diverses organisations pour demander l'arrêt de l'exploitation minière illégale mettent face-à-face activistes et forces de l'ordre dans la rue.
La police ghanéenne a récemment arrêté 39 militants contre l'exploitation minière illégale après une manifestation de trois jours dans la capitale, Accra.
Ceux qui sont à l'avant-garde de la campagne affirment qu'ils ne relâcheront pas leurs efforts tant que le gouvernement n'aura pas éradiqué l'exploitation minière illégale, qui a causé la perte de vies humaines, miné l'économie du pays, déclenché des conflits fonciers et endommagé l'environnement par la déforestation, l'érosion des sols et la contamination de l'eau.
Une autre manifestation de trois jours, qui a débuté le 3 octobre et à laquelle ont participé des centaines de Ghanéens brandissant des pancartes, souligne la gravité du problème.
L'économie minière
Depuis des années, le Ghana tente d'augmenter sa production légale d'or afin de revitaliser son économie en difficulté. En 2023, il a dépassé l'Afrique du Sud, devenant le premier producteur d'or en Afrique.
"Notre production d'or a atteint un niveau sans précédent de quatre millions d'onces (1 13 398 kg), selon les rapports préliminaires", a déclaré le président Nana Akufo-Addo au parlement au début de l'année.
"C'est le résultat des politiques progressistes que nous avons mises en œuvre, qui ont permis de relancer des mines dormantes comme Obuasi et Bibiani, et d'agrandir les mines existantes."
Le président a prévu que la production d'or du Ghana atteindrait 4,5 millions d'onces par an une fois que les nouvelles mines commenceront à fonctionner.
Mais si l'économie a bénéficié de la hausse de la production d'or, on ne peut pas en dire autant de l'environnement et de la santé publique, affirment les activistes.
Ils accusent l'appât du gain facile que représente l'exploitation minière illégale d'être à l'origine d'une contamination croissante de l'eau et d'une augmentation générale des cas d'insuffisance rénale et de malformations congénitales.
Surcharge polluante
La turbidité, qui mesure la clarté de l'eau en évaluant la quantité de lumière qui peut la traverser, a parfois atteint le chiffre alarmant de 14 000 UTN (unités de turbidité néphélométrique).
L'Organisation mondiale de la santé recommande que la turbidité de l'eau potable ne dépasse jamais 5 UTN.
En août, la Ghana Water Company Ltd (GWCL) a attribué à l'exploitation minière illégale rampante la responsabilité de l'approvisionnement erratique en eau à Cape Coast, soulignant que les effluents polluaient la rivière Pra.
"Environ 60 % de la capacité de captage est envasée en raison de l'exploitation minière illégale, ce qui compromet la qualité de l'eau brute. Nous enregistrons actuellement une turbidité moyenne de 14 000 NTU au lieu des 2 000 NTU pour lesquels un traitement adéquat est conçu", a déclaré la GWCL.
La société a annoncé que la pollution élevée a fait chuter la production à environ un quart de sa capacité. La Pharmaceutical Society of Ghana a également averti que l'exploitation minière illégale pourrait entraver la production de médicaments dans le pays.
"L'exploitation minière illégale a dévasté nos masses d'eau, ce qui rend coûteux le traitement de l'eau à des fins de production pour les entreprises pharmaceutiques", a déclaré le président de l'organisation aux médias locaux.
"Si cette dégradation de l'environnement se poursuit, nous pourrions bientôt importer de l'eau pour soutenir notre industrie manufacturière locale."
Baisse du rendement du cacao
La production de cacao, l'une des principales sources de devises pour le Ghana, a également diminué en raison de l'exploitation minière illégale.
Alors que la pollution due aux activités des mineurs illégaux tue les cacaoyers, certains agriculteurs vendent leurs exploitations à des chercheurs d'or.
"Au cours des cinq dernières années, nous avons constaté de graves destructions dans les plantations de cacao en raison des activités des mineurs illégaux", a révélé Michael Kwarteng, directeur des activités de lutte contre l'exploitation minière illégale au Ghana Cocoa Board, cité par l'AFP.
Des rapports indiquent que 1 696 licences d'exploitation minière ont été délivrées au cours des huit dernières années ; ce qui, selon les activistes, provoque une ruée vers l'or sans précédent et préjudiciable.
Répression du gouvernement
Le président Akufo-Addo a récemment mis en place un comité ad hoc de cinq membres pour évaluer les efforts du gouvernement dans la lutte contre la "galamsey".
Les activistes estiment que le gouvernement doit faire plus pour mettre fin à la menace. Ils souhaitent que le président déclare l'état d'urgence en ce qui concerne la pollution des masses d'eau du pays et qu'il demande à l'armée de nettoyer toutes les zones tampons des mines illégales.
"Nous avons également demandé que toutes les concessions minières dans les réserves forestières soient révoquées. La loi autorisant l'exploitation minière dans les réserves forestières (LI 2462) doit également être abrogée immédiatement", a confié à TRT Afrika Kenneth Ashigbey, fondateur de la Coalition des médias contre l'exploitation minière illégale.
Les militants souhaitent également que les deux principaux partis politiques apportent officiellement leur soutien à la lutte contre l'exploitation minière illégale.