Le raid qui a réveillé le centre de Conakry au son des armes automatiques samedi matin n'a pas seulement fait au moins neuf morts, selon un bilan provisoire communiqué lundi matin par le procureur général Yamoussa Conte. Il a poussé les autorités dominées par les militaires à multiplier les appels au calme et les assurances qu'elles maîtrisaient la situation.
"Dieu merci, le chaos que les esprits maléfiques (voulaient) provoquer suite à cet évènement, ce chaos a été stoppé", a dit dimanche le Premier ministre du gouvernement mis en place par la junte, Bernard Goumou. Il a appelé la population à "rester au calme, (à) garder la sérénité, et que chacun vaque tranquillement à ses occupations".
Paralysées pendant le week-end, les activités ont repris à Kaloum, quartier du pouvoir et des affaires où se trouve aussi la prison centrale. Mais les forces de sécurité filtraient minutieusement les entrées par la route, à la recherche d'armes ou du dernier prisonnier encore dans la nature, le colonel Claude Pivi, ont rapporté des témoins.
Des hommes lourdement armés ont attaqué samedi aux premières heures la prison centrale dans le cœur de la capitale et en ont extrait Moussa Dadis Camara et trois autres prisonniers, tous les quatre actuellement jugés pour un massacre commis en 2009 sous sa présidence.
Trois d'entre eux, dont le capitaine Dadis Camara, ont été repris le jour même, sans qu'apparaisse clairement s'ils s'étaient évadés ou s'ils avaient été emmenés contre leur gré comme le disent leurs avocats.
Un quatrième homme, Claude Pivi, est toujours en fuite. Le colonel Claude Pivi, un des hommes forts de la junte qui a dirigé la Guinée entre 2008 et 2009 sous le capitaine Dadis Camara dont il fut ministre, compte, comme les trois autres prisonniers, parmi les principaux accusés du procès du massacre de 2009.
Les autorités ont présenté son fils, ancien militaire radié, comme celui qui a dirigé l'opération de samedi. L'avocat de la famille Me Fodé Kaba Chérif a démenti lundi son implication.
Le raid a causé la mort de trois assaillants présumés, quatre membres des forces de sécurité, mais aussi deux occupants d'une ambulance, a dit le procureur général.
Un responsable de l'hôpital Ignace Deen a identifié l'un des civils tués comme une fillette de 6 ans. Elle se trouvait dans une ambulance avec un accidenté, sa famille et un médecin quand elle a été atteinte par les échanges de tirs nourris à l'arme automatique, a-t-il dit dimanche à l'AFP sous le couvert de l'anonymat.
L'opération commando a exposé l'actuelle junte aux interrogations sur la sécurité au cœur de la capitale.
Les autorités ont radié des effectifs 58 officiers, soldats et agents des services de prison pour "faute lourde" ou "manquement au service", selon une liste lue in extenso dimanche soir à la télévision d'Etat.
Assurance sur le procès
Le colonel Claude Pivi, mais aussi le colonel Moussa Tiegboro Camara et le colonel Blaise Goumou, également accusés au procès et également sortis de prison temporairement samedi, ont aussi été radiés.
Le capitaine Dadis Camara avait déjà démissionné de l'armée.
Lui et dix anciens responsables militaires et gouvernementaux répondent depuis septembre 2022 devant un tribunal d’une litanie de meurtres, actes de torture, viols et autres enlèvements commis le 28 septembre 2009 et les jours suivants par les forces de sécurité dans un stade de la banlieue de Conakry, où s'étaient réunis des dizaines de milliers de sympathisants de l'opposition, et aux alentours.
Au moins 156 personnes ont été tuées et des centaines blessées, et au moins 109 femmes violées, selon le rapport d'une commission d'enquête mandatée par l'ONU.
Les évènements de samedi ont fait craindre pour la poursuite de ce procès historique, attendu pendant des années par les victimes et suivi avidement par la Guinée depuis son ouverture.
Le ministre de la Justice Alphonse Charles Wright a assuré dans un communiqué samedi que "le procès se déroulera normalement".
Il devait reprendre lundi, mais a été ajourné en raison d'une grève du barreau, sans lien avec les évènements récents