Par Jean Charles Biyo’o Ella
Après huit jours d’exposition et de projection à Yaoundé, le festival du cinéma africain « Ecrans Noirs » a fermé ses portes le 21 octobre, sur une note plutôt satisfaisante pour les organisateurs.
Près d’une vingtaine de prix ont été décernés aux producteurs et réalisateurs. L’Ecran du meilleur long métrage d’Afrique Centrale 27è édition est revenu au film WHEN THE LEVEES BROKE de MUSING DERICK. Le grand prix ECRAN D’OR a été décerné à « MON PÈRE LE DIABLE ».
La mention spéciale du Jury a été décernée au documentaire « Le spectre de Boko Haram » de Cyrille Raingou. Un long métrage de 70 minutes qui replonge dans le passé des frappes du groupe terroriste dans le village de Kolofata, à l’Extrême-Nord du Cameroun depuis 2013.
Ce festival Ecrans Noirs était également le lieu de s'intérroger sur la place la production cinématographique de l'Afrique centrale à l’échelle du continent ?
Au total, plus d’une centaine de longs et courts métrages ont été projetés dans différentes salles de la ville. Parmi les nationalités présentes, quelques noms d’Afrique centrale.
Cette année, le public avait l’embarras du choix. Entre Mayouya de Claudia Yoka de la RDC; SIRA d’Apolline Traore du Burkina Fasso ; le Bleu de Kaftan de Maryam Touzani du Maroc ou encore "Mon Père, le Diable" de la réalisatrice camerounaise Elie Foumbi.
En effet, selon les acteurs du secteur, le 7e art dans la sous-région (le Cameroun, la Rca, le Congo, Djibouti, le Gabon, la Guinée Equatoriale, Madagascar, le Burundi, la Rdc, le Rwanda et le Tchad) a connu un retard, en comparaison avec l’Afrique de l’Ouest et du Nord. Un retard qu’il faudrait impérativement rattraper.
Marché du Film d’Afrique centrale
A l’esplanade de l’ancien palais présidentiel du Cameroun érigé en musée national en 2015, un marché international du film réservé uniquement aux productions venant d’Afrique centrale, est organisé à chaque édition du festival depuis 2017.
Selon, Bassek Ba Kobhio, le promoteur et délégué général du Festival Ecrans Noirs, ce MIFA est "un lieu de rencontre des producteurs, distributeurs, diffuseurs, porteurs de projets africains, prioritairement de l’Afrique Centrale, et des financiers, acheteurs et diffuseurs des œuvres cinématographique".
C’est un espace de visibilité, de facilité d’accès aux acheteurs de meilleures productions. Une aubaine pour des jeunes cinéastes et producteurs en quête d’expertises et de moyens matériels, pour s’imposer dans l’univers africain. Cette année, les organisateurs du festival ont mis l’accent sur des ateliers de formation en écriture du scenario, en production et en jeu d’acteurs.
"La formation est la clé de voute", estime Bassek Ba Kobhio. D’après lui, la cinématographie de la sous-région souffre d’un gros problème de formation.
"Le rapport entre producteur et diffuseur, ils ne le maitrisent pas. Les gens se sont improvisés producteurs, sans maitriser les contours du métier. Ils accusent les diffuseurs de ne pas aimer leurs films. Attention, c’est n’est pas aux diffuseurs de leur faire de beaux yeux. Mais c’est à eux de les convaincre de l’efficacité de leurs projets. C’est aux producteurs de fixer le prix de leurs films. Mais pour arriver à ce niveau, il faut une bonne dose de formation", conseille le délégué général des Ecrans Noirs.
Pour l’édition 2023, l’expertise d’un formateur de nationalité sénégalaise a été sollicitée, afin de montrer aux jeunes cinéastes, les clefs de la réussite dans la production.
Faible soutien des pouvoirs publics
En Afrique centrale, le système de production et de distribution cinématographique bénéficie généralement d'un faible soutien des pouvoirs publics.
"En Rca, nous avons deux principaux problèmes. Le premier, c’est l’absence d’un fonds d’aide et d’accompagnement dans la production du cinéma, et le second, c’est le manque d’espace de diffusion. On a peu de chaînes de télévision. Ce n’est pas facile d’avoir un contrat dans une chaîne de télévision chez nous. En plus de cela, il n’existe aucune salle de cinéma en République Centrafricaine" explique Orphé Zaza Emmanuel.
"Et du coup, quand on a fait des films, nous sommes obligés de les faire tourner dans des festivals, ou encore aller négocier la possibilité de diffusion dans des chaînes internationales. Ce qui n’est pas facile", explique Orphé Zaza Emmanuel, jeune producteur centrafricain ajoute ce jeune producteur centrafricain.
Sur le site du Marché international du Film, une question fait débat au lendemain du démarrage du festival : où trouver les fonds pour financer la production ? Pour animer cet atelier, plusieurs experts du domaine ont été conviés.
Au rang de ceux-ci, Chantal Youdom. La camerounaise, productrice indépendante dresse un tableau sombre du cinéma camerounais : "le Cameroun n’a pas développé un marché du film".
"Le pays a besoin d’une véritable industrie cinématographique. La production ici est un business risqué, puisque les bases ont été faussées. On produit pour vendre. Si tu produis, et que le marché du film n’est pas prêt à t’accueillir, comment feras-tu pour rentabiliser l’argent que tu as investi ?", s'interroge-t-elle.